Les sans dents : ou pourquoi est-ce plus grave que ce que l'on nous explique

Encore un nouveau scandale dans la royautée, l'ex première dame aurait insinuée que son mari qualifierait, dans l'intimité, les pauvres comme étant des "sans-dents".

Et l'on nous explique que cela ferait référence au fait que les pauvres ont plus de mal que les riches à accéder aux soins notamment à aller chez le dentiste.

Voir sur le monde : Les « sans-dents » ou la difficulté de l’accès aux soins dentaires

Cette anecdote recouvre une réalité bien moins légère que le ton employé, d'après l'ex-première dame, par le président Hollande. En France, l'accès aux soins dentaires n'est pas le même pour tous, et les plus démunis sont les premiers à souffrir de leur coût.

NON NON ET NON !!!!

L'explication des "sans-dents" se trouve dans le premier tome des Misérables de Victor Hugo : Fantine.

Il faut, impérativement relire le début du Chapitre X - Suite du succès, dont je vous copie les lignes ici

Elle avait été congédiée vers la fin de l’hiver ; l’été se passa, mais l’hiver revint. Jours courts, moins de travail. L’hiver, point de chaleur, point de lumière, point de midi, le soir touche au matin, brouillard, crépuscule, la fenêtre est grise, on n’y voit pas clair. Le ciel est un soupirail. Toute la journée est une cave. Le soleil a l’air d’un pauvre. L’affreuse saison ! L’hiver change en pierre l’eau du ciel et le cœur de l’homme{155}. Ses créanciers la harcelaient.
Fantine gagnait trop peu. Ses dettes avaient grossi. Les Thénardier, mal payés, lui écrivaient à chaque instant des lettres dont le contenu la désolait et dont le port la ruinait. Un jour ils lui écrivirent que sa petite Cosette était toute nue par le froid qu’il faisait, qu’elle avait besoin d’une jupe de laine, et qu’il fallait au moins que la mère envoyât dix francs pour cela. Elle reçut la lettre, et la froissa dans ses mains tout le jour. Le soir elle entra chez un barbier qui habitait le coin de la rue, et défit son peigne. Ses admirables cheveux blonds lui tombèrent jusqu’aux reins.
– Les beaux cheveux ! s’écria le barbier.
– Combien m’en donneriez-vous ? dit-elle.
– Dix francs.
– Coupez-les{156}.
Elle acheta une jupe de tricot et l’envoya aux Thénardier.
Cette jupe fit les Thénardier furieux. C’était de l’argent qu’ils voulaient. Ils donnèrent la jupe à Éponine. La pauvre Alouette continua de frissonner.
Fantine pensa : « Mon enfant n’a plus froid. Je l’ai habillée de mes cheveux. » Elle mettait de petits bonnets ronds qui cachaient sa tête tondue et avec lesquels elle était encore jolie.
Un travail ténébreux se faisait dans le cœur de Fantine. Quand elle vit qu’elle ne pouvait plus se coiffer, elle commença à tout prendre en haine autour d’elle. Elle avait longtemps partagé la vénération de tous pour le père Madeleine ; cependant, à force de se répéter que c’était lui qui l’avait chassée, et qu’il était la cause de son malheur, elle en vint à le haïr lui aussi, lui surtout. Quand elle passait devant la fabrique aux heures où les ouvriers sont sur la porte, elle affectait de rire et de chanter.
Une vieille ouvrière qui la vit une fois chanter et rire de cette façon dit :
– Voilà une fille qui finira mal.
Elle prit un amant, le premier venu, un homme qu’elle n’aimait pas, par bravade, avec la rage dans le cœur. C’était un misérable, une espèce de musicien mendiant, un oisif gueux, qui la battait, et qui la quitta comme elle l’avait pris, avec dégoût.
Elle adorait son enfant.
Plus elle descendait, plus tout devenait sombre autour d’elle, plus ce doux petit ange rayonnait dans le fond de son âme. Elle disait : Quand je serai riche, j’aurai ma Cosette avec moi ; et elle riait. La toux ne la quittait pas, et elle avait des sueurs dans le dos.
Un jour elle reçut des Thénardier une lettre ainsi conçue :
« Cosette est malade d’une maladie qui est dans le pays. Une fièvre miliaire, qu’ils appellent. Il faut des drogues chères. Cela nous ruine et nous ne pouvons plus payer. Si vous ne nous envoyez pas quarante francs avant huit jours, la petite est morte. »
Elle se mit à rire aux éclats, et elle dit à sa vieille voisine :
– Ah ! ils sont bons ! quarante francs ! que ça ! ça fait deux napoléons ! Où veulent-ils que je les prenne ? Sont-ils bêtes, ces paysans !
Cependant elle alla dans l’escalier près d’une lucarne et relut la lettre.
Puis elle descendit l’escalier et sortit en courant et en sautant, riant toujours.
Quelqu’un qui la rencontra lui dit :
– Qu’est-ce que vous avez donc à être si gaie ?
Elle répondit :
– C’est une bonne bêtise que viennent de m’écrire des gens de la campagne. Ils me demandent quarante francs. Paysans, va !
Comme elle passait sur la place, elle vit beaucoup de monde qui entourait une voiture de forme bizarre sur l’impériale de laquelle pérorait tout debout un homme vêtu de rouge. C’était un bateleur dentiste en tournée, qui offrait au public des râteliers complets, des opiats, des poudres et des élixirs.
Fantine se mêla au groupe et se mit à rire comme les autres de cette harangue où il y avait de l’argot pour la canaille et du jargon pour les gens comme il faut. L’arracheur de dents vit cette belle fille qui riait, et s’écria tout à coup :
– Vous avez de jolies dents, la fille qui riez là. Si vous voulez me vendre vos deux palettes, je vous donne de chaque un napoléon d’or.
– Qu’est-ce que c’est que ça, mes palettes ? demanda Fantine.
– Les palettes, reprit le professeur dentiste, c’est les dents de devant, les deux d’en haut.
– Quelle horreur ! s’écria Fantine.
– Deux napoléons ! grommela une vieille édentée qui était là. Qu’en voilà une qui est heureuse !
Fantine s’enfuit, et se boucha les oreilles pour ne pas entendre la voix enrouée de l’homme qui lui criait : – Réfléchissez, la belle ! deux napoléons, ça peut servir. Si le cœur vous en dit, venez ce soir à l’auberge du Tillac d’argent, vous m’y trouverez.
Fantine rentra, elle était furieuse et conta la chose à sa bonne voisine Marguerite :
– Comprenez-vous cela ? ne voilà-t-il pas un abominable homme ? comment laisse-t-on des gens comme cela aller dans le pays ! M’arracher mes deux dents de devant ! mais je serais horrible ! Les cheveux repoussent, mais les dents ! Ah ! le monstre d’homme ! j’aimerais mieux me jeter d’un cinquième la tête la première sur le pavé ! Il m’a dit qu’il serait ce soir au Tillac d’argent.
– Et qu’est-ce qu’il offrait ? demanda Marguerite.
– Deux napoléons.
– Cela fait quarante francs.
– Oui, dit Fantine, cela fait quarante francs.
Elle resta pensive, et se mit à son ouvrage. Au bout d’un quart d’heure, elle quitta sa couture et alla relire la lettre des Thénardier sur l’escalier.
En rentrant, elle dit à Marguerite qui travaillait près d’elle :
– Qu’est-ce que c’est donc que cela, une fièvre miliaire{157} ? Savez-vous ?
– Oui, répondit la vieille fille, c’est une maladie.
– Ça a donc besoin de beaucoup de drogues ?
– Oh ! des drogues terribles.
– Où ça vous prend-il ?
– C’est une maladie qu’on a comme ça.
– Cela attaque donc les enfants ?
– Surtout les enfants.
– Est-ce qu’on en meurt ?
– Très bien, dit Marguerite.
Fantine sortit et alla encore une fois relire la lettre sur l’escalier.
Le soir elle descendit, et on la vit qui se dirigeait du côté de la rue de Paris où sont les auberges.
Le lendemain matin, comme Marguerite entrait dans la chambre de Fantine avant le jour, car elles travaillaient toujours ensemble et de cette façon n’allumaient qu’une chandelle pour deux, elle trouva Fantine assise sur son lit, pâle, glacée. Elle ne s’était pas couchée. Son bonnet était tombé sur ses genoux. La chandelle avait brûlé toute la nuit et était presque entièrement consumée.
Marguerite s’arrêta sur le seuil, pétrifiée de cet énorme désordre, et s’écria :
– Seigneur ! la chandelle qui est toute brûlée ! il s’est passé des événements !
Puis elle regarda Fantine qui tournait vers elle sa tête sans cheveux.
Fantine depuis la veille avait vieilli de dix ans.
– Jésus ! fit Marguerite, qu’est-ce que vous avez, Fantine ?
– Je n’ai rien, répondit Fantine. Au contraire. Mon enfant ne mourra pas de cette affreuse maladie, faute de secours. Je suis contente.
En parlant ainsi, elle montrait à la vieille fille deux napoléons qui brillaient sur la table.
– Ah, Jésus Dieu ! dit Marguerite. Mais c’est une fortune ! Où avez-vous eu ces louis d’or ?
– Je les ai eus, répondit Fantine.
En même temps elle sourit. La chandelle éclairait son visage. C’était un sourire sanglant. Une salive rougeâtre lui souillait le coin des lèvres, et elle avait un trou noir dans la bouche.
Les deux dents étaient arrachées.

Voila, les "sans-dents" cela fait référence aux pauvres qui, au XiXème siècles en étaient rendus à vendrent leur dents pour gagner quelques sous.

Et là, la référence, pour un président de la république est, non seulement tout a fait irrespectueuse, mais totalement inadmissible.
Suite à ce commentaire, je retire cette dernière phrase. Chacun est effectivement libre d'avoir sa propre interprétation.

Viper vendredi 05 septembre 2014 : 12:39 Général

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